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Titre du blog : Quoi de neuf, aujourd'hui?
Auteur : misslagaffe_27
Date de création : 07-02-2009
 
posté le 13-02-2009 à 16:26:17

midnight sun-chapitre 2 suite

 Je t'agace ? demandai-je, souriant devant l'absurdité de tout ça.

   Elle me regarda rapidement, et ses yeux semblèrent piégés par mon regard.

_ Pas vraiment, me dit-elle. Je m'agace moi-même, plutôt. Je suis tellement transparente. Ma mère m'appelle son livre ouvert.

   Elle fronça les sourcils, se renfrogna.
   Je la regardai, stupéfait. La raison de son bouleversement était qu'elle pensait que je lisais trop facilement en elle. C'était bizarre. Je n'avais jamais dépensé autant d'énergie pour comprendre quelqu'un dans tout ma vie - ou plutôt, mon existence, vu que vie pouvait difficilement être le bon mot. Je n'avais pas vraiment de vie.

_ Je ne suis pas d'accord, contrai-je, me sentant étrangement... méfiant, comme s'il y avait quelques dangers cachés dans ce que j'échouais à voir.

   Je fus soudain énervé, ce pressentiment me rendant anxieux.

_ Je te trouve au contraire difficile à déchiffrer.
_ C'est que tu es bon lecteur, devina-t-elle, faisant sa propre supposition qui atteignit une fois de plus sa cible.
_ En général, oui, accordai-je.

   Alors, je souris largement, laissant mes lèvres reculer pour exposer mes dents luisantes, tranchantes comme des rasoirs.
   C'était une chose stupide à faire, mais j'étais brusquement, étonnament, désespéré de ne pouvoir l'avertir de quelque façon que ce fût. Son corps était plus près du mien qu'avant, s'étant déplacé inconsciemment durant notre conversation. Tous les petits signes et marques qui étaient suffisants pour effrayer le reste de l'humanité ne semblaient pas fonctionner sur elle. Pourquoi ne reculait-elle pas loin de moi, terrifiée ? Sûrement parce qu'elle en avait vu suffisamment de mon côté sombre pour réaliser le danger, intuitive comme elle paraissait l'être.
   Je ne vis pas si mon avertissement avait eu l'effet escompté. M. Banner demanda l'attention de la classe à ce moment-là et elle se détourna de moi une nouvelle fois. Elle semblait un petit peu soulagée par cette interruption, elle comprenait donc peut-être inconsciemment.
   J'espérai que ce fut le cas.
   Je reconnaissais la fascination grandissant en moi, alors même que je tentai de l'en déloger. Je ne pouvais pas me permettre de trouver Bella Swan intéressante. Ou plutôt, elle ne pouvait pas permettre ça. J'étais déjà très désireux d'une autre chance de parler avec elle. Je voulais en savoir plus sur sa mère, sur sa vie avant qu'elle ne vînt ici, sur sa relation avec son père. Tous les détails futiles qui étofferaient plus encore son personnage. Mais chaque seconde que je passais avec elle était une erreur, un risque qu'elle ne devrait pas prendre.
   Elle secoua distraitement son épaisse chevelure juste au moment où je me permis de prendre une autre inspiration. Une vague particulièrement concentrée de son odeur me frappa droit dans la gorge.
   C'était comme le premier jour - comme une balle dévastatrice. La douleur de la sècheresse incendiaire me donna le vertige. Je dus à nouveau empoigner la table pour rester sur mon tabouret. Cette fois, j'avais légèrement plus de contrôle. Je ne cassais rien, au moins. Le monstre grandissait en moi mais ne prit aucun plaisir de ma souffrance. Il était lui aussi fermement retenu. Pour le moment.
   Je cessai complètement de respirer et m'éloignai de la fille aussi loin que je le pouvais.
   Non, je ne pouvais pas me permettre de la trouver fascinante. Le plus intéressant que je lui trouvais, le plus probable, c'était que je voulais la tuer. J'avais déjà fait deux erreurs mineures aujourd'hui. Voulais-je en faire une troisième, qui ne serait pas mineure ?
   Dès que la sonnerie retentit, je fuis hors de la salle de cours - détruisant probablement l'impression de politesse que j'avais à moitié réussi à construire pendant l'heure. De nouveau, j'haletai dans l'air pur, humide, de dehors comme si ça m'était curatif. Je me dépêchai de mettre autant de distance que possible entre la fille et moi.
   Emmett m'attendait devant la porte de notre salle d'espagnol. Il observa mon expression sauvage pendant un moment.

"Comment ça a été ?" demanda-t-il prudemment.

_ Personne n'est mort, marmonnai-je.

"Je vois bien qu'il y a quelque chose. Quand j'ai vu Alice baisser les bras, à la fin, j'ai pensé..."

   Alors que nous marchions, je vis sa mémoire remonter à seulement quelques instants plus tôt, vis à travers la porte ouverte de sa salle précédente : Alice marchant brutalement, son visage pâle fixant le sol, vers le bâtiment des sciences. Je sentis le désir mémorisé d'Emmett de se lever et de la rejoindre, puis sa décision de rester. Si Alice avait eu besoin de son aide, elle l'aurait demandé...
   Je fermai les yeux d'horreur et de dégoût en m'affalant sur ma chaise.

_ Je n'avais pas réalisé que c'était aussi proche. Je ne pensais pas que j'allais... Je n'ai pas vu que c'était aussi mauvais, murmurai-je.

"Ca ne l'était pas", me rassura-t-il. "Personne n'est mort, hein ?"

_ Exact, sifflai-je, les dents serrées. Pas cette fois.

"Peut-être que ce sera plus facile."

_ Bien sûr...

"Ou peut-être que tu la tueras", pensa-t-il en haussant les épaules. "Tu ne seras pas le premier à perdre les pédales. Personne ne te jugera trop durement. Parfois, un humain sent juste trop bon. Je suis impressionné que tu aies tenu si longtemps."

_ Ca ne m'aide pas, Emmett.

   J'étais révolté par son acceptation de l'idée que je pouvais tuer cette fille, que cette voie était, d'une façon ou d'une autre, inévitable.

"Je sais quand ça m'est arrivé...", se souvînt-il, m'entraînant avec lui un demi siècle plus tôt, sur un chemin de campagne au crépuscule où une femme d'âge mûr prenait ses draps secs sur un fil tendu entre deux pommiers. L'odeur des pommes était péniblement suspendue dans l'air - la récolte était finie et les fruits abandonnés étaient éparpillés sur le sol, les ecchymoses sur leur peau filtraient leur flagrance en épais nuages. Un tas de foin fraîchement tondu était le fond de cette odeur, une harmonie. Il remontait le chemin, presque inconscient de la présence de la femme, pour faire une course pour Rosalie. Le ciel était pourpre au-dessus de sa tête, orange au-dessus des arbres à l'ouest. Il aurait dû poursuivre le chemin à chariots serpentant et n'aurait eu aucune raison de se souvenir de ce soir-là, sauf qu'une soudain brise nocturne gonfla les draps blancs comme une voilure et souffla l'odeur de la femme au visage d'Emmett.

_ Ah, gémis-je doucement.

   Comme si le souvenir de ma propre soif n'était pas suffisant.

"Je sais. Je n'ai pas tenu une demie seconde. Je n'ai jamais pensé à résister."

   Son souvenir devint trop explicite pour que je pus le supporter.
   Je sautai sur mes pieds, mes dents assez serrées pour couper de l'acier.

_ Esta bien, Edward ? (Est-ce que ça va, Edward ?) demanda Senora Goff, surprise par mon brusque mouvement.

   Je pus voir mon visage dans son esprit et je savais que je n'avais pas l'air d'aller bien.

_ Me perdona (Excusez-moi), marmonnai-je en filant vers la porte.
_ Emmett, por favor, puedas tu ayuda a tu hermano ? (Emmett, s'il te plaît, peux-tu aider ton frère ?) demanda-t-elle en me désignant sans pouvoir intervenir tandis que je me ruai hors de la salle.
_ Bien sûr, l'entendis-je dire et il fut juste derrière moi.

   Je poussai sa main loin de moi avec une force inutile. Cela aurait brisé les os d'une main humaine, et ceux du bras qui y était attaché.

_ Désolé, Edward.
_ Je sais.

   J'haletai profondément, essayant de vider ma tête et mes poumons.

_ C'est aussi grave que ça ? demanda Emmett en tentant de ne penser ni à l'odeur ni au goût de son souvenir, sans vraiment y parvenir.
_ Pire, Emmett, pire.

   Il resta silencieux un moment.

"Peut-être..."

_ Non, ça n'irait pas mieux si j'en finissais avec ça. Retourne en cours, Emmett. Je veux être seul.

   Il fit demi-tour sans aucun autre mot ni aucune autre pensée et s'éloigna à pas rapides. Il dirait au professeur d'espagnol que j'étais malade, ou que je séchais, ou que j'étais un dangereux vampire hors de contrôle. Son excuse était-elle réellement meilleure ? Peut-être que je ne reviendrai pas. Peut-être devrais-je partir.
   J'allai une nouvelle fois à ma voiture pour attendre la fin des cours. Pour me cacher. Encore.
   J'aurais dû utiliser ce temps pour me décider, ou essayer de soutenir ma résolution, au lieu de ça, comme un drogué, je me retrouvais à fouiller dans le babillement de pensées émanant des bâtiments du lycée. Les voix familières sortaient de l'ordinaire mais, à cet instant, je n'étais pas intéressé par l'écoute des visions d'Alice ou les plaintes de Rosalie. Je trouvai facilement Jessica, mais la fille n'était pas avec elle, je continuai donc à chercher. Les pensées de Mike Newton attirèrent mon attention et je la localisai enfin, en gym, avec lui. Il n'était pas content, parce que j'avais parlé avec elle aujourd'hui, en biologie. Il était dépassé par la réponse qu'elle lui avait donnée lorsqu'il avait mis le sujet sur la table...

"En fait, je ne l'ai jamais vu dire à personne plus d'un mot par-ci par-là. Bien sûr, il aura décidé de trouver Bella intéressante. Je n'aime pas la façon dont il la regarde. Mais elle ne semblait pas trop excitée à son sujet. Qu'est-ce qu'elle a dit déjà ? "Je ne sais pas ce qui lui a pris la semaine dernière." Quelque chose comme ça. Ca ne sonnait pas comme si elle y prêtait attention. Ca ne pouvait pas être plus qu'une simple conversation..."

   Il prolongea son monologue pessimiste dans ce sens, soutenu par l'idée que Bella n'avait pas été intéressée par son échange avec moi. Cela me dérangeait vraiment un peu plus que ce qui aurait été acceptable, j'arrêtai donc de l'écouter.
   Je mis un CD de musique violente dans le lecteur puis montai le volume jusqu'à ce qu'il couvrit les autres voix. Je dus me concentrer très attentivement sur la musique pour m'empêcher de dériver à nouveau jusqu'aux pensées de Mike Newton, d'espionner cette fille naive...
   Je trichais quelques fois, alors que l'heure touchait à sa fin. J'essayais de me convaincre que ce n'était pas pour l'espionner. Je me préparais seulement. Je voulais savoir avec exactitude quand elle quitterait son cours de gym, quand elle serait dans le parking. Je ne voulais pas qu'elle me prit par surprise.
   Alors que les élèves commençaient à sortir en file indienne par les portes du gymnase, je sortis de ma voiture, pas sûr de ce qui me faisait faire ça. La pluie était fine - je l'ignorai tandis qu'elle trempait lentement mes cheveux.
   Voulais-je qu'elle me visse ici ? Espérai-je qu'elle viendrait me parler ? Qu'étais-je en train de faire ?
   Je ne bougeai pas, alors que j'essayais de me convaincre de retourner dans la voiture, sachant que mon comportement était répréhensible. Je gardais mes bras croisés sur ma poitrine et respirais très superficiellement en la regardant marcher lentement vers moi, les coins de ses lèvres baissés. Elle ne me regardait pas. Elle lança plusieurs fois des coups d'oeil aux nuages, comme s'ils l'offensaient.
   Je fus déçu quand elle atteignit sa voiture avant d'avoir dû passer devant moi. Devrait-elle me parler ? Devrais-je lui parler ?
   Elle entra dans une camionnette, une Chevrolet, délavée, une carcasse rouillée qui était aussi vieille que son père. Je la regardai la démarrer - l'engin rugit plus bruyamment qu'aucun autre véhicule du parking - puis tendre les mains vers le chauffage. Le froid lui était inconfortable - elle ne l'aimait pas. Elle passa ses doigts dans son épaisse chevelure, les faisant passer devant le jet d'air chaud, comme pour les sécher. J'imaginai ce que la cabine de cette camionnette pouvait sentir puis chassai rapidement cette pensée.
   Elle regarda autour d'elle en se préparant à reculer, puis regarda enfin dans ma direction. Elle me fixa pendant seulement une demie seconde et je pus lire la surprise dans ses yeux avant qu'elle ne les détachât des miens et poussât la camionnette en arrière. Et puis elle poussa un cri aigu en s'arrêtant de nouveau, l'arrière du véhicule manquant de quelques pouces une collision avec celui d'Erin Teague.
   Elle regarda dans son rétroviseur, la bouche encore ouverte d'humiliation. Quand l'autre voiture s'éloigna d'elle, elle vérifia deux fois tous les angles morts et quitta sa place de parking avec tant de précautions que cela me fit sourire. C'était comme si elle pensait qu'elle était dangereuse avec sa camionnette décrépie.
   La pensée que Bella Swan put être dangereuse pour quelqu'un, peu importe si elle conduisait, me fit rire tandis qu'elle passait devant moi, regardant droit devant elle.


FIN DU CHAPITRE 2